Comment accueillir les émotions de nos enfants
Le jour où l’on devient parent la vie bascule dans le monde mystérieux des émotions.
L’idée principale de cet article est de vous partager ce que je viens d’apprendre lors d’une conférence de Mme Manuella Lemarié-Dolédec, ambassadrice du réseau Filliozat.
Tous les enfants sont différents. Et tous les parents s’en rendent compte. Ils élèvent leurs enfants de la même manière et pourtant les enfants réagissent différemment. Dans une même fratrie, chaque enfant a sa personnalité et donc vit ses émotions à sa façon.
Et nous les parents (ou grand parents) avons la chance de pouvoir les aider à s’élever vers l’autonomie, via la connaissance et la confiance en leurs émotions et, dans cette élévation, nos petits nous emportent avec eux et nous en sortons grandis, plus forts, plus émerveillés.
Alors commençons l’exploration
3 aspects fondamentaux comme base à retenir:
1- nous avons chacun notre « carte du monde »
Mme Manuella Lemarié-Dolédec nous donne l’exemple d’une voiture, selon l’âge il s’agira d’une voiture de dessin animé, ou un superbe coupé d’une marque allemande ou une facture de garagiste… Bref, pas facile de comprendre l’autre si l’on n’a pas le code de référence de l’autre.
2- le cerveau des enfants est immature
Ce n’est pas avant 25 ans qu’il est terminé, sachant qu’à l’adolescence des processus de nouvelle construction se mettent en place. Donc l’enfant n’a pas la capacité d’utiliser la partie de son cerveau qui plus tard lui permettra d’attendre quand il a faim par exemple.
3- tous les comportements des enfants sont un langage
Autant dire que la notion de caprice ici n’existe pas. C’est à l’adulte de comprendre ce langage pour répondre aux besoins et aux émotions des enfants.
Mais qu’est-ce donc qu’une émotion?
L’émotion s’exprime par le corps. Elle est essentielle à la construction de l’individu. Elle se manifeste physiquement par le bruit, les cris, les pleurs, le visage rouge, les poings serrés, le rire, les câlins, les vibrations dans le corps, les tremblements, etc.
L’émotion permet de rester vivant, de structurer l’être.
Je vis un événement, je traverse l’émotion (elle monte en soi, jusqu’à un climax, puis elle doit être déchargée, ainsi s’accomplit son rôle de réparation.)
Alors considérons les émotions, donnons leur la juste valeur qu’elles méritent, elles sont là pour nous faire du bien.
Evitons de les garder enfouies tout au dedans de notre corps, libérons les pour qu’elles nous construisent et nous guérissent.
Si nous sommes à l’écoute de leur expression, parce que papa et maman ou toutes personnes nous ayant éduqué nous ont appris à les reconnaître et à les apprivoiser dans le sens où on les accepte et que l’on a appris à les manifester, alors elle vont être une boussole qui va nous guider sur le chemin de notre vie.
Elles sont infaillibles car elles ne passent pas par notre mental mais par notre corps.
Apprenons à reconnaître nos émotions
Ainsi nous apprenons à nous connaître et à vivre avec toute la confiance en soi nécessaire pour s’épanouir
2 minutes, voilà la durée d’une émotion!
Le parcours de l’émotion en 3 phases
- Il y a le déclencheur
- puis l’émotion monte dans le corps (tension, charge)
- et enfin la décharge
Cette dernière étape est fondamentale, toute personne enfant ou adulte doit passer par cette dernière phase pour vivre la totalité du processus.
- Si la décharge ne se fait pas parce que l’on a appris à se contenir
- ou que l’on n’est plus connecté à ses émotions,
- alors le risque est grand de « collectionner les timbres » et de tout décharger à un moment, en vrac,
- et cela pourra être difficile à l’entourage de comprendre ce qui se passe,
- on pourra même ne plus se reconnaître soi même ;))
- Car rien de plus compliqué que de contenir ses émotions.
Dans l’émotion il y a 2 aspects: le fond et la forme
- Le fond, j’éprouve de la colère: ok!
- la forme, je tape maman: Non!
Parfait et comment on fait pour contenir sans réprimer?
la méthode en 3 étapes
- je me mets à la hauteur de l’enfant
- je l’écoute avec le coeur : – j’évite d’interpréter, – de rassurer, – de donner des conseils, j’écoute et c’est tout! – Je pose un bol devant moi pour recueillir tout ce qui va être dit, cela m’aide à ne pas prendre les choses pour moi.
- je suis un adulte, mon cerveau est formé, je peux donc mettre des mots sur ce qui se passe dans le corps de l’enfant (tu trembles, tu es tout crispé…) Quand l’émotion est traversée, on peut encore mettre d’autres mots qui viennent traduire ce qui se passe dans le corps. Ainsi, plus tard, l’enfant saura reconnaître ce qui se passe dans son corps, en comprendre le sens et suivre son ressenti qui est toujours juste.
Certains enfants sont parfaits
Ils ne pleurent pas, ils dorment à l’heure, ils mangent à l’heure, ils sont sages!
Peut être qu’en fait, ils n’ont pas accès à leurs émotions, peut être qu’ils ne sont pas connectés à leurs émotions. Peut être qu’ils n’osent pas exprimer leurs émotions pour ne pas perturber maman? ou papa?
Ce n’est pas seulement l’enfant sage qui n’est (peut être) pas connecté à ses émotions, c’est aussi celui qui accuse systématiquement l’autre. « Même pas peur, même pas mal! » sont aussi des blocages au niveau des émotions, c’est-à-dire que le corps est chargé d’émotions, mais la décharge n’arrive pas. Quand un enfant a envie de détruire, il met à l’extérieur ce qu’il n’arrive pas à ressentir à l’intérieur. Et donc, il traverse comment son émotion?
Le rôle des adultes
L’adulte peut montrer le chemin, les enfants apprennent parce qu’ils regardent les adultes, ils nous regardent faire.
Cependant les adultes ne sont pas parfaits! (Mince alors!)
Parfois l’adulte ne comprend pas (ah bon? c’est possible?) il est démuni, il ne sait pas accueillir.
Pourquoi?
Parce qu’il n’a pas appris, parce qu’il est fatigué, ou stressé. dans ces 2 derniers cas, on n’a plus accès au cerveau qui raisonne. Nos limites sont atteintes, et ce n’est donc pas les enfants qui sont insupportables mais bien l’adulte qui dans sa condition physique actuelle, n’est plus en mesure d’accompagner l’enfant.
Si l’enfant lui même est stressé, qu’il a faim, quand son réservoir d’amour est vide ou qu’il est fatigué, il peut avoir des réactions disproportionnées.
Nos enfants ont des antennes qui leur permettent de capter nos propres émotions et donc parfois, on peut se retrouver dans la situation d’accompagner notre enfant dans son vécu alors qu’en fait c’est chez nous que cela se passe.
Trouver la bonne émotion, celle que l’on vit
S’agit-il de tristesse, de colère? il est parfois compliqué de trouver quelle est la bonne émotion, on peut être démuni et se tromper d’émotion. Nous allons passer les émotions en revue avec leurs caractéristiques pour que vous puissiez mieux les appréhender.
Parfois aussi quand les frères et soeurs se disputent et que cela prend des proportions de « dingue » cela peut être le résultat d’un tas d’émotions emmagasinées pendant la journée et, quand ils se retrouvent, un rien fait déborder le vase, ils se déchargent mais ce n’est pas la bonne personne qui reçoit le paquet! C’est la « collection de timbres »: il y a accumulation et le dernier timbre fait tout exploser. Pas toujours facile à gérer au quotidien…
L’histoire des émotions élastiques
Ces émotions élastiques nous ramènent à quelque chose d’autre (dans la journée, ou à un aspect de notre propre enfance, on est touché par quelque chose qui nous ramène à autre chose. Ok direz-vous et comment on gère?
Les différentes émotions
La peur
Elle se manifeste physiquement par les caractéristiques suivantes: on tremble, on est pâle, on perd son énergie, son tonus, le diaphragme se bloque. Comment réagir?
1- on accueille: c’est ok d’avoir peur. C’est important d’accueillir car cela permet de ne pas couper les émotions, si on coupe il n’y aura pas de décharge. Or il faut pouvoir décharger. « De quoi as-tu peur exactement? »
2- Comprendre vraiment, accepter et pas simplement en surface car l’enfant va le sentir.
3- chercher des ressources chez l’enfant en se rappelant par exmple une expérience précédente (la ressource vient de l’intérieur – si c’est la peur de la nuit, on pourra faire intervenir le doudou)
4- apprendre à décharger: en tremblant, en criant, en chantant,… ainsi la peur peut sortir et cela débloque le diaphragme. On peut utiliser la formule « et si? » par exemple, j’ai peur d’aller dans l’eau. de quoi exactement? de tomber? et d’avoir la tête sous l’eau? et si …? et si…? et si cela n’arrivait pas?
L’important est de structurer le cerveau pour que plus tard l’enfant sache appréhender ses émotions en toute autonomie.
Il est nécessaire bien sûr de sentir la peur car elle est fondamentale pour détecter le danger et s’en dégager. A l’adolescence le cerveau se structure à nouveau et la notion du danger peut se perdre. La peur doit être gérée mais en aucun cas invalidante. Si l’on est en mesure d’accompagner la peur dès l’enfance, plus tard l’enfant devenu adolescent puis adulte saura reconnaître s’il est sur son chemin.
La colère
Les signes caractéristiques sont être rouge, avoir les poings serrés, claquer les portes; la colère est très bruyante. La colère permet de savoir où sont ses propres valeurs, si on a touché à mon territoire, s’il y a une frustration.
On a le droit d’être en colère, mais apprenons à distinguer le fond de la forme.
- Les insultes ne sont pas une façon acceptable de se décharger, non!
- Pousser contre un mur par contre oui!
- Utiliser un punching ball oui! car le punching ball est face à moi et non par terre!
- Aller faire un footing oui!
- Crier dans le jardin oui!
- Crier dans les toilettes et tirer la chasse d’eau oui!
Il est bon aussi de savoir qu’il n’est pas la peine de discuter avant la décharge de la colère, cela ne sert à rien.
La colère est un moyen de dire qui je suis. On peut apprendre à repérer l’agacement qui précède toujours la colère. La colère a des aspects positifs, elle restaure, elle répare, c’est une façon de dire stop, il ne s’agit pas de trop attendre avant de dire stop, sinon la violence peut apparaître et la violence, par contre, est dirigée vers l’autre. La colère me permet de chercher quels sont mes besoins (en termes de territoire et de valeurs.)
La tristesse
Un exemple bien caractéristique de la tristesse est la séparation du matin chez la nounou, à la crèche ou à l’école. Pour vous rassurer cela ne dure jamais plus de 2 à 3 mn. C’est comme la perte d’une partie de soi.
Physiquement, comme la peur, il y a perte d’énergie et le corps se ferme.
1- Accompagnons la tristesse en laissant de l’espace, l’enfant a besoin de place pour pleurer. on le laisse pleurer, on peut éventuellement placer délicatement la main en bas du dos pour soutenir mais on laisse l’espace.
2- Avec les tout petits on peut anticiper. Le matin il a pleuré, le soir il joue et ne veut pas venir quand on vient le chercher. Il a besoin d’être entier pour aller voir son parent (finir son puzzle) on peut jouer avec l’enfant pour reprendre contact.
3- On peut utiliser des Playmobils par exemple pour permettre d’anticiper. Il ne s’agit pas d’un jeu de diversion mais un jeu pour comprendre. Cela permet de mieux appréhender la frustration.
Vous n’êtes pas sans savoir que la colère et la tristesse imprègnent notre société de clichés tels que
- les garçons ne pleurent pas mais ils ont le droit d’être en colère
- les filles n’ont pas le droit d’être en colère mais ont le droit de pleurer
Or si les émotions extériorisées sont disproportionnées c’est que peut être il s’agit en fait d’une autre émotion. Quand une fille pleure beaucoup c’est peut être de la colère qui s’exprime… à creuser, à explorer pour prendre soin de soi et « guérir ». L’accompagnement est une aide dans la démarche émotionnelle. Et ne mettons pas trop de mots d’adulte sur ces émotions que sont la colère, la peur et la tristesse. On peut accompagner physiquement puis expliquer en quelques mots pour aider le cerveau à assimiler. L’aide de professionnels peut s’avérer nécessaire pour apprendre comment faire si on n’a pas eu la chance de l’intégrer dans notre propre éducation.
L’hypersensibilité est une forme disproportionnée de vivre ses émotions. L’accompagnement fonctionne très bien pour ces enfants-là. L’accompagnement leur permet de vivre plus sereinement. Et en accompagnement, il est possible de traiter plusieurs émotions en même temps.
La joie
Cette émotion est positive et elle est à valoriser. Tout ce qui nous met en joie nous montre notre chemin. Et la joie se partage. les adultes peuvent transmettre leur joie. Certains enfants ont du mal à être en joie, mais s’il n’y a pas de joie c’est qu’il n’y a pas non plus de tristesse.
Si je me coupe d’une émotion alors je me coupe de beaucoup d’autres émotions.
La joie est une émotion à suivre car elle nous offre le chemin pour toute la vie.
Et l’amour
Si le réservoir d’amour de l’enfant est vide le matin, il n’avancera pas dans la journée. L’idéal est de remplir son réservoir d’amour le matin avant de le déposer à la crèche.
Isabelle Filliozat le dit « l’amour n’est pas une récompense, c’est du carburant ».
Alors montrons lui comme nous l’aimons même quand il est le plus désagréable 😉 c’est encore tout aussi valable avec les ados. On montre que l’on est là, présent et qu’on les aime nos enfants petits et grands!
Conclusion
J’espère que vous avez découvert plein d’éléments nouveaux sur le monde des émotions et que cela vous a donné envie d’aller creuser la question pour vous et vos enfants. Merci à Mme Manuella Lemarié-Dolédec, ambassadrice du réseau Filliozat pour son partage vivant, dynamisant positif et qui m’a fait découvrir un univers connu, mais davantage du côté subi que proactif.
Maintenant c’est décidé, je suis en route vers une vie riche en émotions qui libèrent et élèvent avec mes enfants et moi même.